Chronique Gonz'Estivante de la Route du Rock#3

Publié le par Stéphane Gueguen

Au plus profond de mon subconscient, un chat énorme avec des phares vissés sur la queue s'apprête a dévorer mon élevage de chevaux nains, je me réveille en sursaut, hélas un peu tard pour sauver mes amis équins. C'est l'heure du petit déjeuner de festivalier, riche en sucres lents et en sucres. Aujourd'hui grosse journée avec concerts non-stop de 16h à 4h, avec deux sites, le palais du grand large et le fort de St Père.

Sur la scène marque-de-téléphone, un groupe de folk ambiance la foule du dimanche à St-Malo, on croise la grande cantatrice Radite (artiste parisianorennaise) devant la scène qui nous explique qu'elle est encore très perplexe après avoir vu My Bloody Valentine en vrai mais que tant qu'il font quelque chose en laquelle ils croient il faut les respecter. Après le micro intermède folk, direction le palais du grand large, qui est le deuxième 'grand' site du festival où ont lieu des concerts et des conférences l'après-midi. La salle est en fait une sorte de grand amphithéâtre, où le public est assis (et il ya des boutons sur les accoudoirs, sans doute pour piloter le vaisseau spatial).

Sur la scène, des machines et des éléments de batterie, le matériel du premier groupe, le duo de Brooklyn, Telepathe (se prononce telepati).
Les deux filles arrivent sur scène, look 80's, et elle commencent leur set, un mélange de drone de shoegazing et d'électro. Elles ont un gros son et elles chantent toutes les deux avec des voix de souris, qui se croisent et se répondent. Elles enchainent très vite les morceaux, sans pause, je suis bien bercé par leurs voix et leurs rythmiques répétitives.
Dans un état second, je vois cependant un étrange petit bonhomme avec une casquette et un sac à dos s'agiter dans les coulisses, on en reparlera tout à l'heure.

Le concert passe assez vite, pour le dernier morceau, n'y tenant plus une des filles demande au public de se lever pour danser un peu, ce que le public fait assez volontiers car leur chanson finale est plus dansante.

Dés la fin du concert, les techniciens s'affairent pour installer le matériel de Gang Gang Dance le dernier groupe. Le petit bonhomme des coulisses est survolté et semble diriger le placement des instruments selon un plan établi, il virevolte autour de la scène essaie de soulever des retours (mais abandonne rapidement en manquant de périr écrasé).

Un émule d'Eric Serra installe sa guitare, qui est branchée sur de gros synthétiseurs en racks, on va avoir droit à de la guitare midi, ô joie. Il y aussi une batterie avec des pads et un mur de synthés pour compléter le tableau. Le groupe entre sur scène, la chanteuse et le batteur font des étirements, tels des coureurs de 400m. Le concert commence par un très longue intro bruitiste, puis le morceau commence, belle surprise, le mélange de rock et d'électro des américains est super efficace, et on tape tous du pied en rythme.
Début du deuxième morceau, le petit bonhomme de tout à l'heure revient sur scène avec son ticheurte sur la tête, le grand Cornholio, il fait le tour de la scène pendant que le groupe joue et semble les bénir tous (il doit être là pour apaiser Poséidon, qui demande des âmes fraîches pour son goûter). Puis visiblement fatigué, il s'assoit à coté de la batterie pour méditer. La musique de Gang Gang Dance est très inspirée par les musiques tribales et primitives, très percusive, on comprend pourquoi la chanteuse et le batteur ont fait des étirements, une sorte de shoegazing tribal, de la bonne musique de hippies quoi. Les morceaux s'enchainent rapidement, toujours très répétitifs et hypnotiques. Après avoir disparu de scène pendant un petit moment, le grand Cornholio, qui est en fait le 'conseiller spirituel' du groupe revient sur scène muni d'un drapeau confectionné au moyen d'un manche de balai et d'un rouleau de sac poubelles et entreprend une chorégraphie inspirée par les ballets chinois pendant toute la fin du concert et pendant le rappel.

On quitte rapidement les lieux pour retourner sur le site principal pour la suite des concerts de la journée. En arrivant sur les lieux, Bill Callahan est déjà en train de jouer, l'ex smog, enchante le public avec sa voix de baryton tristounet, le temps de faire fouiller ma besace, de rentrer sur le site, et de faire un peu de pub pour NFT, le concert s'achève déjà.

Le temps de se préparer et c'est l'arrivée sur la scène d'Andrew Bird, roi de la pop mélodique de l'écurie Fat Possum. Et au niveau pop, on est pas déçu:  c'est riche et luxuriant, si l'album était un peu ennuyeux la prestation live est parfaite. Le groupe est content d'être là et les chansons tubesques s'enchainent. On comprend rapidement que Mr. Bird porte bien son nom de famille, c'est un véritable virtuose du sifflet, Micheline Dax a trouvé son successeur pop! Pour compléter le  tableau, il y a un batteur avec un tête de precheur mormon ou quaker (ou en tout cas l'idée qu'on peut s'en faire), un roadie costaud à moustaches et surtout un Leslie, le fameux haut parleur rotatif. Le concert s'achève et on a passé un très bon moment avec Andrew et sa joyeuse bande de potes, une parfaite préparation pour Dominique A.

Le temps d'une galette saucisse, et c'est au tour de Dominique A, seul sur la grande scène d'affronter le public. Il est seul Dominique, avec sa guitare, ses pédales, ses machines et sa voix profonde. 'Comme un beau diable pailleté sur scène' il enchaine ses chansons impeccables, sa guitare comme seul accompagnement. Le set est impressionnant de maîtrise technique, il jongle avec les effets et les pédales. Une chanson à retenir, Manset, je ne sais sur quel album elle est mais elle m'a bien scotché. Il finit son set, trop trop court par le silence des oiseaux, fabuleuse chanson, une version dansante, mes pieds se dérobent sous moi et je danse avec un air béat au milieu de la foule.

Retour sur terre, le temps de philosopher en buvant un excellent fanta, les fanta de festival sont toujours meilleurs que ceux du travail ou du fastfood.

Déjà Grizzly Bear arrive sur scène, un de mes concerts les plus attendus du festival, leur disques de pop très sophistiquée sont excellents, leur dernière prestation scénique il y a trois ans à la route ne m'avait pas vraiment convaincu, même si leur présence scénique pendant le concert de Franz Ferdinand était bien distrayante. Le concert commence, on sent que c'est bien, on a envie d'adorer, mais on s'ennuie... Je n'arrive pas à me concentrer sur la musique, pourtant ils ont l'air bien sympathiques ces ours là. Mais une nouvelle fois, il vaut mieux écouter leur disques que les voir en concert. Même si ils ont plein d'arrangements bizarres, même si ils racontent des anecdotes de beuveries, même si ils jouent d'une harpe celtico-étrange à clavier. Une petite déception donc, mais au vu de la qualité du week-end, c'est pas insurmontable.

C'est la fin du festival, la foule est plus clairsemée, les mines fatiguées. Au loin sur la scène, on voit les techniciens qui installent le matériel de Simian Mobile Disco, un gros tas de machines, des haut-parleurs et des rampes de lumières, avec néon multicolore et stroboscope intégré. Les Simian Mobile commencent leur set, première constatation, ça tabasse ! Gros gros son, et les stroboscopes aveuglent tout le monde, ça doit être des modèle spéciaux anti émeute... Les deux gars sur scène tournent autour de leur totem de machines avec l'air de s'amuser follement, au moins c'est un live électro pas statique, pas des nerds collés derrière leurs laptops... La fatigue commence à se faire sentir, et les oreilles bourdonnent un peu. On danse encore un petit peu et arrive le moment de dire au revoir au fort du St Père. Retour vers le parking, en échangeant les impressions sur cette édition. En voiture, une nouvelle rencontre avec la maréchaussée, la dernière du weekend, mais cette fois ci ils ont eu l'air plus convaincus par mon 'bonsoir messieurs', du coup pas de tutoiement et un 'c'est bon'. Dans mon lit, je me dis que la route du rock c'est quand même le meilleur festival du monde, et je m'endors en pensant à des maîtres de FengShui vêtus de pagnes en train d'agiter des banderoles à la gloire de Grizzly Bear.

Publié dans Chroniques de concerts

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