Lulu au Théâtre de la Bastille

Publié le par laure dasinieres

C'est un spectacle à plusieurs lectures, jeu de piste fascinant, dérangeant parfois, et pourtant accessible et direct que propose le tout aussi ambivalent Mark Tompkins au Théâtre de la Bastille.
A la fois très rétro et complètement contemporain, aussi marqué par l'esprit cabaret berlinois des années trente que par les performances visuelles les plus actuelles, Lulu est de ces représentations inclassables qui demandent un petit temps de latence et de réflexion avant d'en pouvoir dégager ne serait-ce qu'une impression, ce même si sur le moment, le spectacle captive, captive mais agace aussi parfois par des gimmicks contemporanisants...
Drame musical et dansé centré sur la figure mythique de Lulu, personnage féminin à la fois mutin et fatal, amoureux et superficiel, le spectacle engage un corps à corps entre les codes du musical conventionnel et le côté à la fois abrupt, rude et souvent ironique et auto réflexif de la scène contemporaine.
D'un format court (une petite heure), il joue - parfois un peu maladroitement, sur l'ellipse pour laisser presque de côté l'histoire de son héroïne (schéma circulaire ashes to ashes, et compte tenu de la dimension glam du tout la référence à Bowie ne nous semble pas fortuite) et s'axer sur les états mentaux vécus par Lulu, donc et les "autres" (tous incarnés par Tompkins).

Résultat de ce parti pris, c'est avant tout, bien plus vers par la narration concise ou que vers les mélodies (pas vraiment originales et sans véritablement de relief) , vers la mise en scène que tout notre intérêt s'oriente et qui fait de Lulu ne pas la simple relecture d'un mythe mais bien une création inspirée.
Le dispositif scénique vaut à lui seul le détour:  effets de voiles et de panneaux, aller retours in/off tant dans les voix que dans le visuel, et surtout jeu constant de vidéo projections sous divers angles et diverses modes.
On retient un passage particulièrement réussi, exemple le plus abouti des stratégies audiovisuelles exploitées,où  le personnage d'Alwa déclare sa flamme à Lulu, interrogation sur l'amour et la fusion autour d'un sofa,  où chacun se filme réciproquement à la webcam et dont les images de cette exploration/découverte charnelle sont projetées sur les murs, visages et fragments de corps en gros plan. On adopte ainsi simultanément deux points de vue, celui des protagonistes et le nôtre.
Mais, sans doute est-ce la contrepartie de cet accent mis sur le dispositif scénographique, et à l'image de ce voile/rideau qui met de la distance entre la scène et la salle, l'émotion peine à prendre et si nos yeux- et souvent notre intellect- sont flattés, notre coeur est tenu à l'écart de ce qui se voudrait être le spectacle des passions d'un personnage épris de l'amour et extrême dans ses ressentis.


Publié dans Scènes

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