Bonaparte au Nouveau Casino

Publié le par laure dasinieres

Leur premier album, sorti à l'automne, s'appelle "Too much"' et en voyant les allemands de Bonaparte débouler sur scène dans leurs accoutrements qui ne vont pas sans rappeler des Of Montreal dans une version plus trash et plus forcenée, on se dit que ça risque de faire vite "too much"...
Et bien même pas.. "Much", sans consteste, mais jamais "Too", les Bonaparte sortent le grand jeu, mais n'oublient jamais (comme Alcaline qui les ont précédés d'ailleurs) que le force de frappe d'un groupe, c'est avant tout la qualité musicale et que le jeu scénique et les costumes, aussi fantasques et réjouissants soient-ils, ne suffisent pas, seuls à convaincre.
Il est vrai que chez ce combo mené par un chanteur en perruque d'ours et à l'oeil noir, vagabond à la fois complice et intriguant, la prestation vaut à elle-même le détour.
Étrange et décadent ballet de personnages loufoquement trashy, sensuellement déjantés, autant spectres que clowns échappés de nos peurs d'enfants et de nos fantasmes d'adultes, tant ludiques qu'hypersexués.
On ne comprend peut être pas tout, et c'est justement ça qui nous captive, impossible de détourner notre regard de ces freaks magnifiques, complètement investis dans leur jeu sans pour autant (et c'est un tour de force) faire fi de l'échange avec le public.
Ils ne sont pas juste dans leur monde, ils nous y invitent, à  bras ouverts (et sourire sanguinolent aux lèvres)... Et on y entre avec beaucoup de plaisir, totalement happé.
Ca part dans tous les sens et nos yeux pétillent.

Mais, et c'est bien là que les Bonaparte réussissent leur pari, c'est que nos oreilles aussi sont touchées au vif.


Pas d'auto complaisance dans le grand guignol, leur son est vraiment bon, du genre claque singulière et bien sentie, époustouflant et inclassable mélange d'électro, de punk, de new wave, de kraut rock, de techno japonaise, de hip hop ou de pop...et on en passe.
Détonnant, dansant, tripant...

Quelque chose d'à la fois très frais dans l'urgence, le second degré,  l'enthousiasme, l'envie partagée de sautiller, et de très mature dans les arrangements qui, s'ils manquent parfois de technicité, révèlent un côté sombre, grave et tempétueux.

Naviguant dans cette belle complexité, les guitares s'acèrent, s'aiguisent ou se saturent selon les morceaux, les rythmiques partent sur des chapeaux de roues, s'assagissent pour repartir de plus belle. Le clavier s'immisce ou s'impose pour créer des univers à la fois distincts et cohérents, entre effroi et rire aux éclats.


La voix oscille sans cesse entre chant, cri, et spoken word. Elle est joueuse, cette voix. Elle raconte, interroge, interpelle.

De tout cela émane une impression de chaos circadien, c'est fou, drôle, fort, radical.
Plus qu'un joyeux bordel, Bonaparte livre sur scène un véritablement show punko dada, énergique.
Pour reprendre l'expression de Lautréamont (qui aurait sans doute adhéré à la proposition): aussi beau que la rencontre fortuite sur une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie.
On donne moins d'un an à Bonaparte pour emplir les salles et acquérir un large public par leurs concerts qui sont autant de coups de Trafalgar explosifs, du genre qui restent longtemps à l'esprit et à de fortes répercussion quant à notre manière d'envisager dorénavant les prestations scéniques des autres groupes.

Publié dans Chroniques de concerts

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